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de leur discrétion ; ils étaient obligés à faire aux prêtres une confession de tout ce qu’il y avait de plus caché dans leur vie, et c’était après cela à ces pauvres initiés à prier les prêtres de leur garder le secret.

Ce fut sur cette confession qu’un Lacédémonien, qui s’allait faire initier aux mystères de Samothrace, dit brusquement aux prêtres :

— Si j’ai fait des crimes, les dieux le savent bien. Un autre répondit à peu près de la même façon.

— Est-ce à toi ou au dieu qu’il faut confesser ses crimes ?

— C’est au dieu, dit le prêtre.

— Eh bien, retire-toi donc, reprit le Lacédémonien, et je les confesserai au dieu.

Tous ces Lacédémoniens n’avaient pas extrêmement l’esprit de dévotion. Mais ne pouvait-il pas se trouver quelque impie qui allât, avec une fausse confession, se faire initier aux mystères et qui en découvrit ensuite toute l’extravagance et publiât la fourberie des prêtres ?

Je crois que ce malheur a pu arriver, et je crois aussi que les prêtres le prévenaient autant qu’il leur était possible. Ils voyaient bien à qui ils avaient affaire, et je vous garantis que les deux Lacédémoniens dont nous venons de parler ne furent point reçus. De plus, on avait déclaré les épicuriens incapables d’être initiés aux mystères, parce que c’étaient des gens qui faisaient profession de s’en moquer, et je ne crois pas même qu’on leur rendît d’oracles. Ce n’était pas une chose difficile que de les reconnaître ; tous ceux d’entre les Grecs qui se mêlaient un peu de littérature, faisaient choix d’une secte de philosophie, et le surnom qu’ils tiraient de leur secte était presque ce qu’est parmi nous celui qu’on prend d’une terre. On distinguait, par exemple, trois Démétrius parce que l’un était Démétrius le Cynique,