Page:Francisque-Michel - Histoire des races maudites, tome II.djvu/22

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Gent de France, mult estes esbahie.
Je di à touz ceus qui sont nez des fiez :
Si m’aït Dex, franc n’estes-vous més mie,
Mult vvous a l’en de franchise esloigniez ;
Car vous estes par enqueste jugiez.
Quant deffense ne vos puet faire aïe,
Trop iestes cruelment engingniez,
A touz pri,
Douce France n’apiaut l’en plus ensi ;
Ançois ait non le païs aus sougiez,
Une terre acuvertie
Le raigne as desconseillïez,
Qui en maint cas sont forciez.

Aculvertir se trouve aussi, avec son radical, dans la Chanson de Renaud de Montauban, qui appartient à la même époque que la pièce précitée. Roland veut insulter Ogier le Danois, qui n’avait pas livré Renaud à Charlemagne :

« Jamais, par cel apostre que quierent pelerin,
Si mauvais serf coart de mere ne nasqui.
Unques de Danemarce ne vis prodome issir.
Fis à putain, coars, mauvès serf acatis,
Por quatre deniers l’an ies-tu aculvertis… »
Come Ogiers l’entendi, si est en piés salli :
« Rolans, vos i mentez, par Dieu qui toz nos fist !
Sire, vés ci mon gaige por combatte vers li.
Que jo ne sui culvert, acatés ne conquis.
Onques li miens linages à çou ne se tramist[1].

En même temps qu’on employait le mot cuvert pour désigner un homme d’une condition intermédiaire entre celles des serfs et des libres, on s’en servait, bien plus fréquemment encore, pour caractériser un homme digne de mépris, à peu près comme à présent nous donnons dans le sud-ouest de la France le nom de drôle aux jeunes gens de basse condition et aux hommes dont la conduite mérite des reproches. On lit dans le Livre des Rois, qui peut être considéré comme appartenant à la première moitié du XIIe siècle, au plus tard : « E cume Amasa vint vers lui, pur lui saluer

  1. Manuscrit la Valliere no 39. (Li Romans de Garin le Loherain, publié par M. P. Paris, tom. ii. Paris, Techener, 1835, in-12 ; pag. 267, 268, en note.)