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vaient fait sur ceux de la Garonne et de la Serre ? Nous n’en voyons aucune. D’un autre côté, si nous jetons les yeux sur l’Angoumois, nous trouverons une caste qui rappelle en quelque chose celle des Cagots. Nous voulons parler des ouvriers papetiers, qui vivent à part et ne se marient qu’entre eux : circonstance assez généralement attribuée aujourd’hui au désir qu’ils auraient de conserver leur état exclusivement à leur famille et à leur caste[1], mais qui, suivant nous, n’est qu’un reste d’obéissance à d’anciens règlements, convertie en habitude, ou le résultat de la répugnance dont ils étaient autrefois l’objet de la part des indigènes. On comprend que lorsque les premières manufactures de papier s’établirent dans le pays, leurs entre-

  1. « Les ouvriers papetiers (du département de la Charente) forment une corporation très distincte, et la plus opiniâtre peut-être qu’il y ait dans tout le royaume. Il peut se faire que ceux qui travaillent dans les papeteries situées aux environs de Paris y soient étrangers et mènent une vie ambulante : et cela vient sans doute de ce que les entrepreneurs de ces établissemens, la plupart d’une date assez récente, n’ont pas particulièrement attiré dans leurs fabriques les familles établies dans leur voisinage. Il en est autrement dans l’Angoumois, le Limousin et l’Auvergne : les ouvriers papetiers de l’Angoumois sont très attachés à leurs villages ; ceux du Limousin ne les quittent jamais.. Ils se font de leur état une sorte de bien héréditaire ; c’est pour le conserver à leur famille, qu’ils ne se marient qu’entre eux. Leurs enfans sont admis exclusivement à apprendre l’état de leur père… Les papetiers vivent au milieu d’une atmosphère humide et marécageuse : les ateliers où ils travaillent sont pleins d’eau ; dans la cuve où se fait le papier et où ils sont obligés de rester douze ou quatorze heures de suite, ils nagent dans la vapeur qui s’en élève abondamment ; aussi la fibre est-elle continuellement relâchée. Les maladies qui les affectent plus généralement sont les varices, l’œdématie des membres inférieurs, les rhumatismes chroniques, le scorbut, les ulcères aux jambes et aux malléoles. Leurs dents tombent de bonne heure ; ils sont, au printemps et à l’automne, sujets aux fièvres tierces, et l’hiver amène pour eux toutes les affections catarrhales… leurs genoux se portent en dedans, et l’on en voit une assez grande quantité qui restent cagneux… Les ouvriers papetiers ne vivent pas vieux, surtout s’ils ont suivi cette profession depuis leur jeunesse sans interruption ; leur carrière ne s’étend guère au-delà de soixante à soixante-cinq ans, et ils meurent le plus ordinairement d’un catarrhe chronique. » Statistique du département de la Charente… par J. P. Quénot, avocat. À Paris, chez Déterville, 1818, in-4 ; p. 484, 487. Ces passages ont été copiés dans la France pittoresque, tom. Ier, pag. 248, col. 1 et 2.