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souvenirs d’une actrice.

— Je vous mènerais ben, moi, ma p’tite citoyenne, mais mon cheval est déjà si fatigué, qu’il n’pourra aller plus loin qu’chez nous, à l’hôtel de la Bergère : c’est une petite lieue. Vous y coucherez, et demain nous partirons dès le matin pour Boulogne.

Il n’y avait pas à hésiter ; je lui donnai ce qu’il me demanda, et je le priai de partir le plus tôt possible, car les soldats qui étaient sur la place regardaient déjà de travers la muscadine, et je n’étais pas trop rassurée. Ma pauvre petite fille, fraîche comme une rose, imprévoyante du danger, dormait à mes côtés. Enfin le paysan mit son cheval à la voiture, et nous partîmes. J’avais pour tout bagage un sac de nuit ; mais cela suffisait pour un trajet aussi court. Comme me l’avait fait observer judicieusement le maître de poste, j’étais une trop élégante voyageuse pour un pareil temps : c’est pourquoi tout me faisait peur. Je vis que mon conducteur ne prenait pas la grande route et qu’il allait à travers champs pour gagner une forêt.