jusque-là : mon jeune frère ne peut plus marcher, il est au bout de ses forces. D’autre part, nous n’avons plus assez d’argent pour prendre le chemin de fer jusqu’à Bordeaux.
— Allons, allons, ne vous désolez pas à l’avance, dit le marin. Les pauvres gens sont au monde pour s’entr’aider. Nous ne sommes pas riches non plus, nous autres ; mais à cause de cela on sait compatir au malheur d’autrui.
— Eh ! oui, dit la femme du marin, nous nous aiderons tous, et le bon Dieu fera le reste. Voyons, mettons-nous à table. Mon mari est un homme de bon conseil : en mangeant, il va débrouiller votre affaire, n’est-ce pas, Jérôme ?
En même temps l’excellente femme avait attiré la table dans le milieu de la chambre. Bon gré mal gré, elle plaça André à sa droite et Julien à sa gauche. Elle mit ses deux fils aînés, deux beaux jumeaux de quatre ans, de chaque côté de leur père : puis elle plaça sur ses genoux sa petite fille la dernière née, et le sourire sur les lèvres, elle servit à chacun une bonne assiette de soupe au poisson qui est le mets favori de la Provence.
Pendant le dîner, André raconta leur voyage de point en point, puis il chercha son livret d’ouvrier et ses certificats pour les montrer à Jérôme.
Jérôme avait écouté le récit d’André avec une grande attention ; il feuilleta de même son livret avec soin ; ensuite il réfléchit assez longtemps sans rien dire. Sa femme l’observait avec confiance. De temps à autre elle clignait de l’œil en regardant André et Julien comme pour leur dire : — Soyez tranquilles, enfants, Jérôme va tout arranger.
Jérôme, en effet, sur la fin du dîner, sortit de ses réflexions silencieuses. — Je crois, dit-il, qu’il y aurait un moyen de vous tirer d’embarras, mes enfants.
— Quand je vous le disais ! s’écria la femme du marin avec admiration. — En même temps, le petit Julien faisait un saut de plaisir sur sa chaise, et André poussait un soupir de soulagement.
Jérôme reprit : — Avez-vous peur de la mer ?