Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/30

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bien vite pour retourner à son travail, les jeunes enfants vers l’école, les aînés aux champs.

Quoique André fût tout à fait las, il proposa ses services et ceux de Julien avec empressement, car il aurait bien voulu dédommager son hôtesse de l’hospitalité qu’elle leur offrait ; mais la fermière n’y voulut jamais consentir.

— Reposez-vous, mes enfants, disait-elle ; sinon vous me fâcherez.

Pendant que le débat avait lieu, le petit Julien n’en perdait pas un mot ; il devinait le sentiment d’André, et lui aussi aurait voulu être le moins possible à la charge de la fermière.

Tout à coup l’enfant avisa deux lignes pendues à la muraille : — Oh ! dit-il, regarde, André, quelles belles lignes ! Il faut nous reposer en pêchant. N’est-ce pas, madame, vous voulez bien nous permettre de pêcher ? Nous serions si contents si nous pouvions rapporter de quoi faire une bonne friture !

— Allons, mon enfant, dit la veuve, je le veux bien. Tenez, voici les lignes.

Un quart d’heure après, les deux enfants, munis d’appâts, se dirigeaient vers la rivière avec leurs lignes et un petit panier pour mettre le poisson si l’on en prenait.

André était bon pêcheur ; plus d’une fois, le dimanche, il avait en quelques heures pourvu au dîner du soir. Julien était moins habile, mais il faisait ce qu’il pouvait. On s’assit plein d’espoir à l’ombre des saules, dans une belle prairie comme il y en a beaucoup en Lorraine.

Cependant carpes et brochets n’arrivaient guère, et Julien sentait le sommeil le prendre à rester ainsi immobile, la ligne à la main, après une nuit de marche et de fatigue. Il ne tarda pas à se lever.

— André, dit-il, j’ai peur, si je reste assis sans rien dire, de m’endormir comme un paresseux qui n’est bon à rien ; je ne veux pas parler pour ne pas effrayer le poisson, mais je vais prendre mon couteau et aller chercher de la salade : cela me réveillera.

Pendant que l’enfant faisait une provision de salade sauvage, jeune et tendre, André continua de pêcher avec persévérance, tant et si bien que le panier commençait à s’emplir de truites et d’autres poissons lorsque Julien revint : le petit garçon était bien joyeux.