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Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/309

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— Depuis six ans que je les soigne, s’écrie-t-il parfois avec un légitime orgueil, je n’en ai pas eu une seule de gravement malade.

Mais aussi comme toutes ces bêtes ont l’air bien soignées ! Comme elles sont propres ! Comme elles s’en reviennent du pas tranquille et lent qui leur plaît le mieux ! Guillaume a façonné son pas au leur : — Affaire d’habitude, dit-il ; c’est moins difficile que d’apprendre l’équilibre au roulis des vagues.

Cette fillette de onze ans qui sort de la ferme, c’est la petite Marie, la plus jeune de la famille. D’une main elle emporte avec précaution la soupe chaude des laboureurs, de l’autre elle tient ses livres de classe, car elle va de ce pas à l’école.

Venons avec elle jusque là-bas, dans ces champs où les gais rayons du soleil sèment leur or sur les sillons. Reconnaissez-vous ce grand garçon barbu déjà ? C’est André. Quand il y a chômage chez le serrurier du bourg, André travaille à la ferme. En ce moment, deux beaux bœufs rouges traînent la charrue : le jeune homme les excite doucement, et de sa voix mâle, un peu grave, il chante une vieille chanson du pays natal ; car André n’a oublié ni son père, ni son premier amour, la Patrie. À l’heure matinale où l’alouette, montant comme une flèche, chante au-dessus des sillons, l’âme du jeune homme s’élance, elle aussi, tantôt vers le passé plein de souvenirs, tantôt vers l’avenir qui s’ouvre avec ses devoirs et avec ses espérances. André a vingt ans sonnés : il sera bientôt sous les drapeaux, il sera bientôt soldat de la France.

Près d’André, regardez cet adolescent encore un peu mince, avec de grands yeux expressifs et affectueux : c’est notre petit Julien. Comme il a grandi ! C’est qu’il a quatorze ans et demi, savez-vous ? Ah ! le temps passe vite. Oui, mais Julien l’a bien employé : il a appris tout ce qu’un jeune homme peut apprendre dans la meilleure école et avec la meilleure volonté possible.

Mais quel est ce camarade de son âge qui travaille aux champs avec lui et qui ne le quitte guère ? Devinez… Vous le connaissez pourtant ; c’est le jeune Jean-Joseph, l’orphelin d’Auvergne, qui a pu venir rejoindre nos amis à la ferme de