Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/58

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en est une des gloires. Ce petit Claude était fils de simples domestiques. Dans son enfance on le croyait presque imbécile, tant son intelligence était lente et tant il avait de peine à apprendre. Ses camarades d’école se moquaient alors de lui, comme vous faisiez tout à l’heure, Julien, et cependant leur nom à tous est resté inconnu, tandis que celui du petit Claude est devenu célèbre dans le monde entier. Que cela vous apprenne, mon ami, à ne plus vous moquer de personne et à ne pas vous croire au-dessus de vos camarades.

Julien rougit un peu embarrassé, et la bonne vieille reprit :

— Le pauvre enfant qui était si mal partagé de la nature eut encore le malheur de perdre son père et sa mère dès l’âge de douze ans. Resté orphelin, on le mit en apprentissage chez un pâtissier, mais il ne put jamais apprendre à faire de bonne pâtisserie. Son frère aîné, qui était dessinateur, voulut lui enseigner le dessin : il ne put y réussir.

Enfin un parent du jeune Claude l’emmena à Rome.

C’était en Italie et à Rome que se trouvaient alors les plus grands peintres. Le petit Claude fut placé à Rome au service d’un peintre pour apprêter ses repas et aussi pour broyer ses couleurs. Il était là broyant sur du marbre du blanc, du bleu, du rouge, et il voyait ensuite, grâce au pinceau de son maître, toutes ces couleurs s’étendre sur la toile et former de magnifiques tableaux.

Peu à peu il prit goût à la peinture, et son maître lui donna quelques leçons.

Lorsque Claude venait à sortir de la ville et qu’il parcourait la campagne, il restait des heures entières à regarder les paysages, les arbres, les prairies, le soleil qui s’élevait ou se couchait sur les montagnes. Il se rappelait les paysages de sa chère Lorraine, qu’il avait tant de fois regardés des heures entières sans mot dire, alors que ses camarades d’école jouaient étourdiment sans rien remarquer des belles choses de la nature et se moquaient de son air endormi.

Claude était maintenant sorti de ce long sommeil où s’était écoulée son enfance. Il essaya de transporter sur les tableaux les paysages qui le frappaient, et il y réussit si bien que, dès l’âge de vingt-cinq ans, il s’était rendu illustre. Il travailla beaucoup et devint très riche, car ses tableaux se