pour les lui mettre dans la main. Cette fois il ne dit rien pour se glorifier, mais le cœur lui battait d’émotion.
— Vous êtes un brave enfant, Julien ; embrassez-moi, et dites-moi ce qui vous ferait le plus de plaisir, car je veux vous récompenser.
Julien rougit, et lorsqu’il eut embrassé la bonne dame :
— Peut-être bien, Madame Gertrude, qu’en cherchant dans votre mémoire vous y retrouveriez encore une histoire à me raconter, comme celle de Claude le Lorrain.
— Mon Dieu, Julien, puisque vous aimez tant la Lorraine et que j’ai commencé à vous parler des grands hommes qu’elle a donnés à la patrie, je veux bien continuer.
Julien approcha sa petite chaise pour mieux entendre ; car la machine à coudre faisait du bruit et il ne voulait pas perdre une parole.
— Vous saurez d’abord, Julien, que, toutes les fois qu’il s’est agi de défendre la France, la Lorraine a fourni des hommes résolus et de grands capitaines. Vous vous rappelez que la Lorraine est placée sur la frontière française : nous sommes donc, nous autres Lorrains, comme l’avant-garde vigilante de la patrie, et nous n’avons pas manqué à notre rôle : nous avons donné à la France de grands généraux pour la défendre. Nancy a vu naître Drouot, fils d’un pauvre boulanger, célèbre par ses vertus privées comme par ses vertus militaires, et que Napoléon Ier appelait le sage. Bar-le-Duc, le chef-lieu du département de la Meuse, nous a donné Oudinot, qui fut blessé trente-cinq fois dans les batailles, et Exelmans, autre modèle de bravoure. Le général Chevert, de Verdun, défendit une ville avec quelques centaines d’hommes seulement et donna l’exemple d’une valeur inflexible. Et votre