— Voici ce qu’il y a, dit-il à André. Tous les ans, à cette époque, je faisais avec ma femme une tournée de Besançon à Saint-Étienne pour vendre et transporter les marchandises du pays ; mais cette année-ci ma femme est malade : elle vient de me donner un fils, et je vais avoir de la peine à faire mes affaires tout seul. Pourtant ce n’est pas le moment de se reposer, puisque j’ai une bouche de plus à nourrir. Si vous voulez tous les deux travailler avec moi de bonne volonté, je me charge de vous pour quinze jours. Au bout de ces quinze jours vous serez à Saint-Étienne. Je vous coucherai et je vous nourrirai tout le long du chemin, mais je ne puis vous payer.
Le petit Julien ouvrait de grands yeux et souriait à l’étranger.
— Monsieur, dit André en montrant Julien, mon frère n’a pas huit ans, il ne peut guère faire autre chose que des commissions.
— Justement, dit le Jurassien, il ne fera pas autre chose. Vous qui êtes grand et fort, vous m’aiderez à charger ma voiture, à soigner le cheval et à vendre.
— Volontiers, dit André ; mais si vous pouviez ajouter quelque chose, ne fût-ce que cinq francs, nous serions bien aises.
— Pas un centime, dit l’homme, c’est à prendre ou à laisser.
Julien sourit gentiment : — Oh ! fit-il, vous me donnerez bien un parapluie, n’est-ce pas ? si je vous contente bien : cela fait que nous pourrons voyager après cela même par la pluie.
Le marchand ne put s’empêcher de rire à cette demande de l’enfant. — Allons, dit-il, mon petit homme, tu auras ton parapluie si les affaires marchent bien.
Le lendemain de bon matin M. Gertal (c’était le nom du Jurassien) éveilla les deux enfants. André mit ses habits de travail. — Venez avec moi, dit M. Gertal, je vais vous montrer à soigner mon cheval Pierrot ; je tiens à ce qu’il soit bien soigné, car il me coûte cher et me rend de grands services, et puis c’est pour moi un compagnon fidèle.
André descendit à l’écurie avec son nouveau patron, et Julien, qui aimait les animaux, ne manqua pas de le suivre.