Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/81

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au pâtre communal de sonner de la trompe : aussitôt, dans le village, chacun ouvre les portes de son étable ; les vaches sortent et vont se réunir toutes à un seul et même endroit, où le pâtre les attend pour les conduire dans les belles prairies que nous avons vues le long du chemin.

— Oh ! que voilà des vaches intelligentes ! dit André.

— Oui, certes, reprit Julien ; mais il y a autre chose à remarquer que l’intelligence du troupeau ; c’est celle des habitants du pays, qui s’entendent de bonne amitié pour mettre leurs troupeaux en commun et ne payer qu’un seul pâtre, au lieu de payer autant de pâtres qu’il y a de fermes et de troupeaux.

— Tiens, c’est vrai, cela, dit André ; c’est une bonne économie de temps et d’argent pour chacun. Mais pourquoi n’en fait-on pas autant partout, monsieur Gertal ?

— Ce n’est pas partout facile. De plus tout le monde ne comprend pas le bienfait qu’il y a à s’entendre et à s’associer ensemble. Chacun veut tout faire seul, et tous y perdent. Pour moi, ajouta M. Gertal, je suis fier d’être Jurassien, car c’est dans mon pays que, pour la première fois en France, cette grande idée de s’associer a été mise en exécution par les cultivateurs.



XXXVI. — Les grands fromages de gruyère. — Visite de Julien à une fromagerie. — Les associations des paysans jurassiens pour la fabrication des fromages.


Le pays le plus heureux sera celui où il y aura le plus d’accord et d’union entre les habitants.


Le lendemain on se leva de bonne heure. M. Gertal avait acheté la veille au soir des marchandises qu’il s’agissait de charger dans la voiture. Il y avait de ces énormes fromages dits de gruyère qu’on fait dans le Jura, et Julien était tout étonné à la vue de ces meules de fromages pesant vingt-cinq kilogrammes, qu’il n’aurait pas pu soulever. Il regardait avec admiration André les mettre dans la voiture.

En allant faire une commission pour le patron, Julien fut introduit dans une fromagerie où se trouvait le fruitier auquel il devait parler : on appelle fruitier, dans le Jura, celui qui fait les fromages. Le fruitier était aimable ; en voyant Julien ouvrir de grands yeux surpris pour regarder la fromagerie, il lui demanda ce qui l’étonnait tant que cela.

— Oh ! dit Julien, c’est cette grande chaudière que je vois