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HISTOIRE DU CANADA

avait été une suite d’invasions cruelles et ruineuses pour le pays. Il ne fut pas moins bien reçu d’une grande partie des États-Unis, surtout de ceux qui bordent la mer. La guerre avait presqu’anéanti le commerce extérieur de la république, qui s’élevait avant les hostilités à un chiffre énorme. Ses exportations étaient de 22 millions sterling, et ses importations de 28,000,000, le tout employant 1,300,000 tonneaux de jaugeage. Deux ans après, en 1814 elles étaient déjà tombées les premières à 1,400,000 et les dernières à moins de trois millions. Deux ou trois mille vaisseaux de guerre et de commerce plus ou moins gros avaient été enlèves par les Anglais, qui malgré les grandes pertes qu’ils avaient faites eux-mêmes, étaient sûrs de ruiner la marine américaine avant d’épuiser la leur, dont la force était immensément supérieure. Le trésor de la république provenant en grande partie de droits de douane, s’était trouvé par là même épuisé en un instant ; il avait fallu recourir à des impôts directs et à des emprunts qui s’élevèrent, en 1814 à 20 millions et demi de piastres, somme énorme pour une nation dont la totalité du revenu montait seulement à 23 millions en temps ordinaire. Les deux tiers des marchands étaient devenus insolvables, et les états du Massachusetts, du Connecticut et de la Nouvelle-Angleterre allaient prendre des mesures pour demander leur séparation de l’union et une indépendance séparée lorsque arriva la paix.

La guerre de 1812 causa aussi de grandes pertes au commerce anglais. Les États-Unis qui tiraient pour 12 millions de marchandises des îles britanniques, s’arrêtant tout à coup, génèrent ses manufactures, qui durent renvoyer leurs ouvriers dont la misère devint excessive. Il est vrai que bientôt le nord de l’Europe et l’Italie, affranchis des armées françaises après la campagne de Russie, purent offrir une compensation dans les marchés que ces pays ouvrirent à son activité. Mais la nécessité rendit les Américains manufacturiers à leur tour, et une fois les manufactures montées chez eux, elles restèrent et leurs produits continuent aujourd’hui à y remplacer une partie de ceux de l’étranger. Tel fut le premier effet permanent de la guerre. Un second effet tout aussi important, c’est que les états du nord qui voulaient s’en détacher pour s’unir à la Grande-Bretagne en 1814, sont précisément ceux-là même à l’heure qu’il est, qui sont