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HISTOIRE DU CANADA.

nombre et la qualité de ses serviteurs en réglant et en récompensant leurs services comme elles le jugeraient convenable ; ce qui les mettrait dans la dépendance des électeurs et pourrait leur faire rejeter l’autorité de la couronne, que leur serment de fidélité les obligeait de soutenir.»

Tout le monde s’était attendu à ce résultat. Tandis que la chambre cherchait à amener ainsi les fonctionnaires les uns après les autres à son tribunal, qu’ils faisaient semblant de braver encore, mais dont ils devaient bientôt redouter toute l’influence, M. Ogden, l’un des membres de la chambre, porta contre le juge Bedard des Trois-Rivières, cet ancien patriote si indépendant et si énergique des temps de Craig, les plaintes les plus graves. Il l’accusa de négliger ses devoirs, de prostituer l’autorité judiciaire pour satisfaire ses vengeances personnelles, de violer la liberté individuelle, de dégrader la dignité de ses fonctions. Il paraît que sur ses vieux jours, ce juge qui avait besoin d’un plus grand théâtre que la petite ville où on l’avait relégué pour ses talens, s’abandonnait à des excès d’intempérance qui laissaient des traces d’irritation dans son humeur. Dans ces momens, les avocats de sa cour abusaient quelquefois de la latitude laissée à la parole pour exciter le vieux lion populaire, et lui faire commettre des actes qui compromettaient son caractère et ses hautes fonctions. Son accusateur avait été lui-même emprisonné par son ordre pour libelle et mépris de cour. La chambre renvoya les accusations à un comité spécial qui, après examen, déclara qu’elles étaient sans fondement.

Cette guerre contre les fonctionnaires est l’indice le plus certain du malaise et de l’agitation des esprits. Les entraves, les oppositions, les défiances, les haines, tout surgissait de la manière avec laquelle on faisait fonctionner la constitution. Il était évident que la lutte allait avoir des suites plus graves si l’on ne prenait pas les moyens d’en faire disparaître la cause. La constitution avait trop donné et trop retenu. Entre la branche populaire et l’exécutif qui était indépendant de la colonie, il n’y avait aucun corps indépendant pour adoucir les chocs, car le conseil dépendait du gouvernement et lui servait d’écran, ce qui en faisait un instrument de discorde plutôt que d’harmonie.

Les vices de l’organisation judiciaire étaient un sujet de