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HISTOIRE DU CANADA

d’augmenter indirectement encore plus la disproportion entre la représentation de la population anglaise et celle de la population française… ; parce que si l’on voulait priver les Canadiens-français d’un gouvernement représentatif, il valait mieux le faire d’une manière ouverte et franche, que de chercher à établir un système permanent de gouvernement sur une base que le monde entier s’accorderait à qualifier de fraude électorale. Ce n’était pas dans l’Amérique du Nord qu’on pouvait en imposer aux hommes par un faux semblant de gouvernement représentatif, ou leur faire accroire qu’ils n’étaient qu’en minorité de votes lorsqu’ils étaient de fait défrancisés ; parceque l’union entre les deux provinces était imposée à l’une par défiance contre sa loyauté, sans son consentement et à des conditions qu’elle devait juger injustes, et acceptée par l’autre en considération d’avantages fiscaux et de l’ascendance législative.

Lord Melbourne insista sur la nécessité d’apaiser l’esprit de mécontentement qui avait éclaté dans les deux Canadas ; il fit observer que c’étaient de pareils mécontentemens qui avaient amené autrefois l’indépendance des États-Unis, événement qui ne serait pas arrivé s’ils avaient été mieux liés à la métropole. Les divisions intestines avaient été la principale cause qui avait fait perdre à l’Angleterre en 1450, le beau territoire qu’elle possédait en France et qu’elle tenait de ses princes normands, et dans le dernier siècle ses anciennes colonies. Le duc de Wellington lui répondit qu’il ne fallait pas tant se presser ; qu’il fallait attendre de meilleures informations ; qu’il fallait attendre que le peuple eût repris ses sens, dans une province après une insurrection, dans l’autre après une rébellion, et que dans les États-Unis il y eût moins de disposition à encourager l’une et l’autre. Il fallait réfléchir avant de former une législature de trois ou quatre différentes nations et de gens d’une douzaine de religions. Il se plaignit de la manière avec laquelle on avait obtenu le consentement du Haut-Canada. On s’était assuré du concours du parti tory en publiant la dépêche de Lord John Russell au sujet des emplois, et de l’appui du parti républicain en supprimant une autre de ses dépêches qui aurait déplu aux partisans du gouvernement responsable. Lord Brougham était convaincu que lorsque le Canada se séparerait de l’Angleterre, ce qui devait arriver tôt ou tard, ce