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Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/306

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HISTOIRE DU CANADA

serait par suite de la manière avec laquelle la mesure de l’union était emportée, et cette séparation se ferait dans des circonstances d’autant plus regrettables que les deux partis se quitteraient ennemis.

Lord Gosford se leva ensuite ; son langage devait avoir d’autant plus de poids qu’il avait résidé dans le pays, qu’il en avait eu l’administration entre les mains et qu’il en connaissait les partis, les sentimens et les tendances. « Je regarde, dit-il, l’union comme une expérience très dangereuse, et comme une mesure injuste et arbitraire en elle-même. Si, comme je le crois, ceux qui l’appuyent le font parce qu’ils sont convaincus que la population française est en état de résistance organisée au régime britannique, jamais ils ne furent dans une plus grande erreur. Pour ma part, je ne crois pas que dans aucune de nos colonies, sa Majesté ait un peuple qui, par inclination autant que par intérêt, ait plus de désir de rester sur un pied d’amitié et d’alliance avec l’Angleterre. Je n’ignore pas les fausses représentations que l’on a répandues avec trop d’activité dans ce pays, mais je ne crains pas de déclarer, malgré tout ce que l’on peut prétendre au contraire, que ce que je dis ici est fondé sur la vérité et peut-être pleinement prouvé. On a beaucoup parlé de ce qu’on appelle la révolte récente ; ce sont là des mots qui sonnent bien haut, et qui sont fort utiles aux intérêts de ceux qui leur donnent cours. Mais si je suis disposé à réprouver toute espèce de soulèvement et de troubles, je dois également reconnaître qu’il n’est que juste de regarder de plus près au véritable état des choses avant de stigmatiser les événemens qui ont eu lieu en termes qui doivent produire des préjugés très forts et très funestes contre ceux contre qui on les dirige. La partie du Bas-Canada agitée par les troubles, n’embrassa jamais qu’une petite section du district de Montréal sur la rivière Richelieu. Maintenant quel était son état politique avant les troubles ? Elle était déchirée par les divisions les plus violentes et les plus haineuses, fruit d’élections contestées avec acharnement ; l’esprit de parti, comme c’est le cas en semblables circonstances, était monté au plus haut degré d’exaspération, et contribua beaucoup à ce qui est arrivé. À l’appui de mon assertion, je puis citer un fait très concluant. Le seul endroit au nord du St.-Laurent où il y ait eu des troubles,