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HISTOIRE DU CANADA

une mesure semblable à celle qui est sous la considération de vos seigneuries. J’ai dit ce que je crois fermement être la vérité, et ce qui pourrait être appuyée du témoignage de tout esprit calme dans les Canadas. »

Nous donnons une grande partie du discours de ce gouverneur pour faire mieux apprécier la politique du bureau colonial.

L’aristocratie anglaise ne vota pour la mesure qu’à contrecœur, parce que le parti mercantile, qui a eu une grande influence dans tous les temps sur la politique des colonies le demandait. Le Haut-Canada devait un million à la maison Baring et se trouvait à la veille d’être incapable de faire face à ses engagemens. Cette maison puissante fit tous ses efforts pour engager le parlement à consentir à l’union afin d’assurer sa créance. Beaucoup de marchands, de capitalistes et peut-être de membres du parlement y étaient intéressés. Devant tous ces motifs personnels ajoutés aux préjugés nationaux, la cause des Canadiens-français devait succomber. Dans l’acte d’union il est expressément stipulé qu’après les frais de perception payés, la première charge sur le revenu du Canada sera l’intérêt de la dette publique au moment de l’union. Le salaire du clergé et la liste civile ne viennent qu’après.

L’acte d’union adopté par les deux chambres mit fin, en recevant la sanction royale, à l’acte de 91, passé pour soustraire à la domination des Canadiens-français la petite population anglaise du Haut-Canada, et révoquée plus tard pour mettre ces mêmes Canadiens sous la domination de la population anglaise, devenue ou devenant plus nombreuse.

À l’époque où se consommait ce grand acte d’injustice à notre préjudice, la population, le commerce, l’agriculture, l’industrie avaient fait d’immenses progrès dans le pays. La population que nous avons estimée à 125,000 âmes à peu près lors de l’introduction de la constitution de 91, s’était redoublée cinq fois depuis. Les dissensions politiques n’avaient pas empêché chacun de remplir sa tâche avec son activité ordinaire. En Amérique le mouvement des choses entraîne toutes les théories avec lui, tous les systèmes des métropoles. Tout s’y assied sur des bases immenses qui n’ont pour ainsi dire de limites que les limites du continent lui-même. En Europe le propriétaire est au sommet de la pyramide sociale ; en Amérique il est où il doit être pour