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Page:Garneau - Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours, tome IV, 1852.djvu/69

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HISTOIRE DU CANADA.

De la colère et de la violence sir James Craig était passé presque sans transition à un état de calme et de bienveillance qui annonçait un changement dans la politique de la métropole, que la loi des juges avait déjà fait prévoir ; et on espéra un meilleur avenir.

Peu de temps après M. Bedard fut remis en liberté. En informant son conseil de ce qui avait eu lieu au sujet de ce chef du parti canadien, le gouverneur ajouta qu’il avait jugé nécessaire de s’abstenir de prendre des mesures pour son élargissement jusqu’à ce que tous les membres fussent rendus chez eux, afin qu’il fût impossible par aucune fausse interprétation de l’attribuer à l’intervention de la chambre ; et maintenant qu’ils étaient de retour, il le priait de voir s’il ne serait pas temps de mettre fin à sa détention.

Cette prière était un ordre. Le motif qu’il donna de ne pas l’avoir fait plutôt renferme l’esprit de son administration et la condamnation la plus complète de sa politique. L’exécutif qui persiste dans un acte injuste de peur de paraître céder aux représentans du peuple dans un gouvernement constitutionnel, montre une ignorance complète des principes de ce gouvernement, et s’il se met dans le cas de ne pouvoir éviter une pareille alternative, une incapacité qui en est la plus grande condamnation. M. Bedard élargi disait à ses électeurs du comté de Surrey : « Le passé ne doit pas nous décourager, ni diminuer notre admiration pour notre constitution. Toute autre forme de gouvernement serait sujette aux mêmes inconvéniens et à de bien plus grands encore ; ce que celle-ci a de particulier, c’est qu’elle fournit les moyens d’y remédier.»

« Toutes les difficultés que nous avions déjà éprouvées n’avaient servi qu’à nous faire apercevoir les avantages de notre constitution. Ce chef-d’œuvre ne peut être connu que par l’expérience. Il faut sentir une bonne fois les inconvéniens qui peuvent résulter du défaut d’emploi de chacun de ses ressorts, pour être bien en état d’en sentir l’utilité. Il faut d’ailleurs acheter de si grands avantages par quelques sacrifices… »

Tel était le langage de ce patriote en sortant des cachots de l’agent de l’Angleterre. Ce n’était ni un langage imposé ni un langage de vengeance, c’était un langage de conviction.