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HISTOIRE DU CANADA.

ou le pouvoir donné à un prêtre de gouverner spirituellement son troupeau, de lui annoncer la parole de Dieu, de lui administrer les sacremens, ne pouvaient venir que de l’église seule ; que le roi pourrait bien investir du temporel, mais non du spirituel ; que du reste l’introduction de l’ordre de chose qu’on proposait serait capable de mettre la province en feu.

« Une personne, lui dit le gouverneur, qui connaît très bien et depuis longtemps le pays, m’assure que la religion s’y perd sensiblement. »

« Je ne crains pas d’affirmer, répondit aussitôt le prélat, que je connais encore mieux le peuple canadien. Or d’après mes connaissances, je crois ce peuple très attaché à sa religion et très peu disposé à souffrir que l’on y donne atteinte. Il n’y a point d’article dont il soit aussi jaloux. Ce qu’il y a de très certain, observa alors Craig, c’est que jusqu’à présent ce pays a été gouverné d’une manière bien opposée à l’esprit de la constitution d’Angleterre. Nous laissons faire ici quantité de choses que l’on ne souffrirait dans aucune autre partie des domaines britanniques. Le gouvernement pourrait me faire mon procès sur plusieurs articles sur lesquels il est démontré que je ne remplis pas ses intentions. Tant que la province a été de peu de conséquence, on a laissé subsister tout cela. Mais enfin elle prend de l’importance, sa population, ses productions, son commerce lui donnent une considération qu’elle n’a jamais eue. Il est temps qu’elle soit mise sur le même pied que les autres parties de l’empire… Il est de la gloire de l’empire que la prérogative royale soit exercée partout… Un curé mal choisi pourrait nuire beaucoup au gouvernement. » Le gouverneur voulut ensuite prendre l’évêque par l’intérêt et par l’ambition : Les curés n’ont pas droit de poursuivre pour leur dîme, et vous même quel maigre revenu avez-vous ? Les revenus, dit M. Plessis, sont la dernière chose qu’un ecclésiastique doive rechercher ; le clergé catholique a souvent prouvé qu’il savait faire des sacrifices en ce genre… Quelque pauvre et précaire que soit ma situation, j’aimerais mieux qu’elle le fut encore plus que de donner lieu à mes diocésains de dire que j’ai vendu mon épiscopat. Sir James Craig s’obstinait. La religion est l’œuvre de Dieu, répliqua l’évêque. J’espère qu’il la soutiendra dans ce pays… Le