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Page:Girard - Études sur la poésie grecque, 1884.djvu/201

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L’ANTIGONE DE SOPHOCLE

qu’ici inconnue, d’esprit de suite et d’application pratique, qui fait passer les constructions logiques dans le tempérament et dans les mœurs de tout un peuple. Ce fait remarquable a été examiné et jugé avec l’attention qu’il mérite[1]. Il est moins important, mais non sans intérêt, de retrouver la même marche des mêmes influences dans le domaine de la littérature ; mais il paraît que les lettres, produits instinctifs et sincères de la libre imagination et du bon sens, sont moins commodes au joug des théories préconçues, car ici les erreurs de la doctrine hégélienne sont manifestes ; ici elle n’amène pas à sa suite des faits, mais des fautes de goût.

En général, il est sage de se défier des théories dramatiques, surtout quand elles roulent sur la moralité et prétendent appliquer aux personnages les règles absolues d’une justice répressive. Nous ne savons pas trop jusqu’à quel point il serait possible de rédiger un code de morale dramatique ; nous ne concevons, pour notre part, qu’une étude attentive des chefs-d’œuvre qui ont illustré les diverses scènes : étude difficile et presque infinie, tant les conditions varient avec les mœurs des peuples, la nature des sujets et le génie de chaque poète. Sans doute quelques vérités générales domi-

  1. Surtout par M. Beaussire, le Centenaire de Hegel, Revue des Deux-Monde, 1er janvier 1871.