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Page:Goethe - Le Renard, 1861, trad. Grenier.djvu/102

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Quand on eut fini de lire les prières, on lui remit la besace et le bâton ; le pèlerin fut complet ; c’est ainsi qu’il simula le pèlerinage. De fausses larmes coulèrent le long des joues du scélérat et mouillèrent sa barbe comme s’il ressentait le repentir le plus douloureux. Il avait de fait un chagrin, c’était de ne pas avoir fait le malheur de tous à la fois et de n’en avoir humilié que trois. Cependant il se releva et supplia l’assistance de vouloir bien prier fidèlement pour lui autant que possible. Maintenant, il se prépara à partir rapidement, il se sentait coupable et il avait tout à craindre. « Reineke, lui dit le roi, vous êtes bien pressé ; pourquoi cela ? —Celui qui entreprend une bonne action ne doit jamais tarder, répliqua Reineke. Veuillez me donner congé ; l’heure est arrivée ; daignez me laisser partir.—Partez-donc, » dit le roi. Et il ordonna à tous les seigneurs de sa cour de suivre et d’accompagner un bout de route le faux pèlerin. Pendant ce temps-là, Brun et Isengrin, tous deux prisonniers, étaient dans les larmes et la douleur.

Voilà comment Reineke sut regagner entièrement l’amour du roi et quitta la cour avec de grands honneurs ; il avait l’air d’aller en terre sainte avec son bâton et sa besace, mais il n’avait pas plus à y faire qu’un arbre de mai à Aix-la-Chapelle. Il avait bien d’autres projets en tête. Pour le moment, il avait réussi à se jouer de son roi et à se faire suivre à son départ et accompagner avec force honneurs par tous ceux qui l’avaient accusé. Et, ne pouvant renoncer à la ruse, il dit encore en partant : « Sire, veillez bien à ce que les deux traîtres ne vous échappent pas. Une fois libres, ils ne renonceraient pas à leurs affreux attentats. Votre vie est menacée, sire songez-y ! »

Il partit dans une attitude calme, religieuse, avec un air plein de candeur, comme