Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/36

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la moi bien soigneusement dans un joli recoin de votre monastère, en attendant que je puisse parler au Roi. » Ce à quoi l’abbesse répondit : « Princesse, on peut se sauver dans tous les états, je n’irai point faire ce chagrin au Roi, qui m’a donné mon abbaye. Voyez l’abbesse de Saint-Antoine ou celle du Val-de-Grâce : peut-être seront-elles, à cet égard, plus courageuses que moi ! » Mme de Conti courut, sans désemparer, trois abbayes, elle trouva partout la même prudence, le même langage, et Sophie fut abandonnée par elle à ses destins.

M. Arnould, qui était un honnête homme, tomba malade ; par là-dessus une banqueroute le ruina à moitié. Il fallait vivre : il se fit hôtelier et loueur d’appartements[1] . La fierté s’en allait du logis avec l’aisance. Les scrupules de Mme Arnould s’humanisaient. Mme de Conti ne lui donnait-elle pas, d’ailleurs, l’assurance que sa fille ne serait employée d’abord à l’Opéra que pour les concerts spirituels de la semaine sainte ? La famille, cependant, continua à bouder le vouloir du Roi ; mais en demandant des loges à

  1. Sur le dire de M. De ville que le père de Mlle Arnould tenait, rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois, l’hôtellerie connue sous le nom de l’Hôtel de Lisieux, j’ai eu la curiosité de faire une recherche dans le livre de Jeze, intitulé : l'État ou le tableau de la ville de Paris, 1760. Je trouve M. Arnould comme maître de l’Hôtel de Lisieux, à 30 s par nuit pour personnes de province.