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Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/37

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l’Opéra, en y allant trois fois par semaine. Sophie n’avait été menée par la princesse qu’à quelques grandes représentations du Théâtre-Français et de la Comédie-Italienne. L’enchantement, le ravissement, la première fois que devant Sophie se lève le rideau magique sur le décor d’ORPHÉE ! Elle pleure, elle palpite, elle tressaille comme à l’appel de sa fortune. Ce bruit, ces feux, cet or, ces harmonies, ces pompes et ces cris de l'âme : c’est l’avenir ouvert, la scène et la gloire promises.

Le 15 décembre 1757, Sophie Arnould débutait.


V


Il y avait plusieurs années déjà que Sophie était aimée et demandée en mariage par un ami de sa famille, le chevalier de Malézieux. Il était le plus jeune de ces trois Malézieux qu’un sobriquet avait baptisés : les Beaux de la duchesse du Maine. Celui-ci avait été plein de séduction, fait à ravir, emportant tous les cœurs, triomphant, adoré, lassé de victoires et de caresses. Il s’était, tout le long de sa vie, laissé aimer, sans aimer. Un jour vient où l’amour se venge ; et voilà tout à coup le chevalier de Malézieux chargé d’années et de souvenirs, vieux d’âme et