Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/38

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vieux de corps, amoureux comme un jeune homme de cette petite folle qui grandit sur ses genoux[1] . Quelle lutte de chaque jour contre les soixante ans sonnés ! Beau encore, mais avec majesté, comme une ruine, il relevait d’une toilette ingénieuse les restes de sa grâce. Il chargeait de rouge ses joues pâlies ; il déguisait en lui le vieillard avec toutes sortes de soins ; mais, hélas ! le visage passait sous le masque ; et un jour Mme de Conti, qui avait entendu parler des vues d’un chevalier de Malézieux, trouvant le sexagénaire chez Mme Arnould, lui demandait d’un air d’amitié : « Monsieur, votre neveu est-il d’un naturel à rendre heureuse ma Sophie ? » Le chevalier répliqua que ce neveu c’était lui ! La princesse ne put réprimer un mouvement de surprise, et peu après raconta charitablement

  1. La petite fille et la fillette semblent avoir été charmantes chez Sophie Arnould. Voici des vers que lui adressait Flins des Oliviers, après un séjour en province où la petite fille de dix ans était devenue une jeune fille :

    Vous n’aviez pas encor dix ans,
    Lorsque je vous rendis les armes.
    Mon amour vous chercha dans un cercle d’enfants,
    Et vous aie premier averti de vos charmes.
    Mais j’ai quitté Paris, et tout change en six mois,
    Dans cet âge ingénu qui, fait pour la tendresse,
    Tient encore à l’enfance et touche à la jeunesse.

     

    Je vous revois charmante et parée à la fois
    Par vos talents et vos années.
    Je regrette pourtant, malgré l’avis des sots,
    Ce silence animé qui valait des bons mots.