Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’un prince de sa maison, ayant voulu contracter un mariage à l’âge de quatre-vingts ans, était mort la nuit de ses noces. M. de Malézieux s’écria qu’il fallait plaindre cet homme-là, et non en rire. Le lendemain, comme Sophie assistait à la toilette de Mme de Conti, la princesse lui dit : « Épousez-le, s’il veut vous donner tout son bien par contrat. S’il ne veut que vous donner son nom, ne vous chargez pas de ses infirmités et de son automne : il y a de l’égoïsme et de la folie dans la passion de cet homme ! » Arriva la lettre de cachet de- Versailles. Mme de Conti eut un instant l’idée de faire appeler M. de Malézieux dans son appartement et de le marier dans sa chambre, Mme Arnould ne disait point non. Sophie se mit à pleurer ; et le chevalier ne fut pas appelé. M. de Malézieux comprit bien vite que l’Opéra était un rival avec lequel il fallait partager ; et ramenant Sophie dans sa voiture après la soirée d’ORPHÉE, il ne put s’empêcher de lui dire d’une voix douloureuse et tendre : « Vous êtes née pour ce royaume-ci ! » Cependant il se parait de plus belle, peignait ses sourcils, faisait sa barbe deux fois par jour, et tout à coup apportait aux parents de Sophie un projet de contrat de mariage, tout dressé, dans lequel il lui attribuait ses 40.000 livres de rentes. M. Arnould hésitait ; Mme Arnould faisait sonner à l’oreille de sa fille le nom et l’argent de M. de Malézieux  ;