Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/40

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Sophie boudait. M. de Malézieux imagina de la convertir à son amour par des exemples tirés de l’histoire. Mlle d’Aubigné, belle comme le jour et jeune comme l’aurore, n’avait-elle pas épousé, pour son esprit, le cul-de-jatte Scarron ? « Dès demain, — riposta Sophie, — je fais un pareil mariage, à condition que mon mari commencera par être cul-de-jatte et finira par être roi ! »

VI


Sophie aimait.

Un fort joli jeune homme de façons parfaites, tourné en grand seigneur, était venu louer un appartement chez M. Arnould. Dorval — c’était son nom, — dit, avec le plus grand air d’ingénuité, arriver de sa province. Il donna sa bourse à garder à M. Arnould : il chargea Mme Arnould du soin de ses dentelles ; il s’abandonnait, jouait le nouveau débarqué, faisait l’innocent à merveille, lisait régulièrement à ses hôtes toutes les lettres qu’on recevait pour lui ; sa confiance allait même jusqu’à leur communiquer ses réponses. Puis ce Dorval était un enfant gâté : il lui venait à tout moment de jolis envois de gibier, de beaux poissons, ou de fines truffes du Périgord, ou des paniers de beurre de la Prévalaye, ou des gélinottes du pays de Caux. L’hon-