Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/41

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-nête Dorval priait Mme Arnould de faire accommoder cela, et venait en manger sa part, à la table de famille, à la droite de Mme Arnould qu’il comblait d’attentions. Un soir, après avoir joué, c’est-à-dire perdu, deux parties de trictrac avec M. Arnould, il prétexte une migraine insupportable et regagne sa chambre, où un valet, entré dans la maison au moyen d’une fausse clef, le vient avertir que tout est prêt. Sophie prend la main de Dorval ; ils descendent ; le carrosse de Dorval attendait au bout de la rue. Il roule. Sophie était enlevée.

L’aventure eut tout le retentissement qu’elle méritait. Ce fut pendant quelques jours un scandale régnant et absolu. Les nouvellistes en vécurent, le chevalier de Malézieux en mourut, M. Arnould en fît une rechute, et Paris des gorges chaudes. Tout passe, même le bruit que fait une fille en se sauvant sur la pointe des pieds du logis paternel. L’éclat apaisé, Dorval promettait à Sophie de faire savoir à ses parents le lieu de sa retraite. Et, deux jours après, il leur écrivait lui-même une lettre de soumission et d’excuses ; la lettre était signée : Louis, comte de Brancas. En post-scriptum, le comte de Brancas promettait formellement à M. et Mme Arnould d’épouser leur fille s’il devenait veuf. Honte, douleurs, larmes, tout fut oublié dans le ménage qui voyait déjà Mme de Brancas sous terre, et leur