Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/48

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disputaient si peu Fel qui n’était qu’une chanteuse d’ariettes, et la Chevalier jouant assez passablement la colère et la fierté, mais toujours grimaçant l’amour.

Sophie renouvelait la déclamation lyrique par l'accent de la passion. Elle apportait l’émotion à l’harmonie, l’attendrissement au chant, le sentiment au jeu de la voix. Elle charmait les oreilles et suspendait les cœurs. Elle avait tout le domaine du drame tendre et toutes les grâces de la terreur. Elle possédait le cri, et les larmes, et le soupir et les caresses du pathétique. Elle était une mélodie pénétrante et voilée, la plainte ingénue des jeunes reines de la Fable qui se débattent contre la mort, le murmure déchirant des jeunes captives, le cantique du : « Je ne veux pas mourir encore ! »

Et cependant de quel faible instrument Sophie Arnould tirait ces caresses et ces gémissements, ces notes enchanteresses, ces élans, ces larmes de la voix, qui jetaient des frissons dans tout le public, cette diction suave et tragique, cette mélopée de l’élégie ! Quel art et quel génie pour arracher tant d’harmonies, comme sans effort, d’un organe mesquin, d’un gosier misérable !

Voici la définition que Sophie donne de sa voix, dans ses mémoires autographes : La nature avait secondé ce goût (le goût de la musique) d’une voix assez agréable, faible, mais sonore,