Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/49

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sans être cependant de la première force ; mais elle était juste et timbrée, de sorte qu’avec belle prononciation, et sans un antre vice qu’un petit grasseyement qui n’était pas même un défaut, on ne perdait rien de ce que je chantais dans les vaisseaux les plus spacieux.

Car cette voix de Sophie, ce n’était qu’un filet de voix soutenu de pauvres poumons sans force, sans étendue, sans ampleur.

« C’est le plus bel asthme que j’aie entendu chanter, » disait Galiani de Sophie ; mais cela, ce rien, cet asthme, écoutez-le : voilà, ô merveille ! la voix plaintive de Psyché entourée de la foudre et de l’enfer ; cette voix, c’est la voix d’Iphise ; cette voix, c’est la voix de Thélaïre ; cette voix, c’est la voix amoureuse de la fille d’Agamemnon cherchant des yeux Achille parmi l'armée en fête ; la voix mourante d’Iphigénie, traînée à l’autel et tendant la tête en implorant les dieux ! Son âme a fait sa voix, et son visage est le portrait de son âme.

Ce visage, La Tour nous l’a gardé vivant[1]. Ces grands sourcils doucement joints, l’éclair de ces beaux yeux implorants, levés vers le ciel[2],

  1. Ce portrait a été gravé par Bourgeois de La Richardière. Il représente : Sophie Arnould, Actrice de l’Académie royale de Musique, dans le rôle de Zyrphé du ballet de Zeundor.
  2. Dans des feuilles doubles des mémoires que je possède, et qui contiennent des changements et des additions (papiers