Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/53

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Il faut avoir une certaine défiance des Mémoires de la République des lettres déclarant que Sophie Arnould, au moment de la rupture des deux amants, coûtait cent mille livres à Lauraguais. Et je crois bien plutôt la chanteuse, représentée en son vrai caractère dans la conversation que Diderot rapporte avec la présidente Portail.

— Mais, Mademoiselle, vous n’avez pas de diamants ?

— Non, Madame, et je ne vois pas qu’ils soient fort essentiels à une petite bourgeoise de la rue du Four.

— Vous avez donc des rentes ?

— Des rentes ! et pourquoi, Madame ? M. de Lauraguais a une femme, des enfants, un état à soutenir, et je ne vois pas que je puisse honnêtement accepter la moindre portion d’une fortune qui appartient à d’autres plus légitimement qu’à moi.

— Oh ! par ma foi, pour moi je le quitterais.

— Cela se peut, mais il a du goût pour moi, j’en ai pour lui. Ça peut être une imprudence que de le prendre, mais puisque je l’ai fait, je le garderai[1] .

  1. Mémoires, Correspondance de Diderot ; Paulin, 1830, t. II. Diderot rédige cette conversation d’après un récit de l’abbé Raynal.