Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/56

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par des rivales entrevues dans un succès tout neuf ; des bouderies, des gronderies, des retours, des contritions qui promettaient l’éternité au présent, des tendresses à lasser le plaisir, et au bout des tendresses, des scènes à casser les vitres, si bien que la crainte finit par avoir raison de l’amour de Sophie.

XII

Il arriva qu’un beau matin de l’année 1761, M. de Lauraguais, ayant commis une électre, alla porter sa tragédie à Ferney. Aussitôt Sophie de mettre dans un carrosse les bijoux reçus de M. de Lauraguais, les deux enfants dont il l’avait honorée, et fouette, cocher ! carrosse, bijoux et enfants rendus à l’hôtel Lauraguais, Sophie respire, délivrée[1]. Lauraguais revint ; Sophie s’était

  1. Mémoires secrets de la République des lettres, vol. I, Voici la prétendue lettre envoyée, avec ses enfants, au comte par Sophie :
    Monsieur mon cher ami,

    Vous avez fait une fort belle tragédie, qui est si belle que je n’y comprends rien, non plus qu’à votre procédé. Vous êtes parti pour Genève, afin de recevoir une couronne de lauriers du Parnasse, de la main de M. de Voltaire, mais vous m’avez laissée seule et abandonnée à moi-même ; j’use de ma liberté, cette liberté si précieuse aux philosophes, pour me passer de vous. Ne le trouvez pas mauvais, je suis lasse de vivre avec un fou qui a disséqué son cocher et qui a voulu être mon