Page:Goncourt - Sophie Arnould.djvu/63

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des trêves aussi belles qu’une paix, des instants bénis où les souvenirs refleurissaient après l’amertume de toutes ces méchantes colères qui fatiguent l’amour, mais ne le tuent pas. Les femmes gardent toujours une grande reconnaissance aux aventures qui les ont émues, aux liaisons qui les jettent hors d’elles-mêmes, aux romans, même les plus cher payés, qui occupent et tourmentent leur vie. Elles sont sans pitié, disons pis : sans mémoire, pour ces amours raisonnables et mûris qui vivent à côté d’elles, sans violer leur imagination, sans brusquer leurs larmes et leurs rires, sans les emplir et sans les transporter. Aussi écoutez la vieille amoureuse, — tout cela est bien loin ! Appuyée au bras de Rulhière, elle se retourne vers sa jeunesse, vers ces années de tempête : « Ah ! — dit Sophie avec un sourire et une larme dans la voix, — c’était le bon temps ! j’étais bien malheureuse ! »

Puis, au delà des angles du caractère, des hostilités de tempérament et de nature, au delà de la rivalité d’inconstance et de mobilité, il y avait entre ces deux êtres un lien caché, ignoré d’eux-mêmes, peut-être ; mais un lien que les folies de leur cœur ne pouvaient rompre.Ce lien moral était l’esprit. L’esprit ! c’était leur bon ménage, et la plus grande raison de leur ménage ! leur réconciliation journalière, l’anneau de noces de