Page:Guyot - L'Inventeur.djvu/338

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clamer les bénéfices d’une invention les inventeurs de jouets d’enfants ou babioles du même genre ; les autres seraient des gens horribles s’ils en faisaient autant.

Voilà Jakson qui fait une des plus belles découvertes que l’homme peut espérer de faire, et parce que lui et Morton veulent en tirer parti pour eux-mêmes tout en en dotant le monde, M. Louis Figuier s’écrie avec indignation : « Ainsi il ne consentait à affranchir de la douleur que ceux qui auraient le moyen de payer le privilège. »

Eh non ! il ne s’agit pas de cela. On n’a jamais trouvé mauvais qu’un médecin se fit payer. Jakson découvre l’étherisation ; il ne demande pas que les malheureux qui ont à se faire couper une jambe payent le privilège de se faire endormir ; mais il demande, en prenant un brevet, que les associations de médecins ou les gouvernements lui achètent sa découverte pour la répandre dans le monde ; il pouvait, il devait garder son brevet jusqu’à ce que tous les pays du monde vinssent lui dire :

— Vous avez trouvé un bienfait social. Vous devez en doter le monde, mais vous en serez payé, autant que faire se peut, en proportion de sa grandeur.

Et comme il n’y a pas d’estimation possible d’une pareille découverte, tous les gouvernements du monde, appelant à eux la générosité publique et saignant un peu leur budget, pour réparer autant que possible les maux qu’il cause en consacrant des millions à l’entretien de leurs armées, devaient lui donner une somme proportionnée à la population de leur pays.

L’inventeur ainsi était légitimement exproprié et non injustement dépouillé ; s’il arrachait tant de malheureux à d’atroces douleurs, il n’était pas condamné à n’en retirer nul bénéfice pour lui-même.

Il est vrai que Proudhon dit :

« L’homme supérieur se doit tout entier à la société dans laquelle il n’est pas, il ne peut rien. Il sait qu’en le traitant