Page:Hamelin - Le Système d’Aristote.djvu/414

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déclare que le réel, c’est ce qui tombe sous la sensation, à savoir le sensible et l’individuel. Qu’est-ce que la substance première, la seule vraie substance, par rapport à laquelle les genres n’ont qu’une substantialité seconde et empruntée ? C’est un homme ou un cheval : voilà ce qui n’est ni attribut d’un sujet ni astreint à résider dans un sujet[1] ; voilà ce qui existe en soi-même d’une existence séparée. Or qu’est-ce qui fait l’individualité et quel est le fond, quelle est la première propriété de la substance première et individuelle ? Ce qui fait l’individualité, le caractère coextensif à elle, c’est l’unité numérique[2]. L’universel commence ou finit avec l’espèce dernière : au-dessous d’elle, il y a l’infinité des individus[3], dont chacun se distingue des autres parce qu’il est comme une unité dans un nombre. Aristote ne fait qu’exprimer autrement la même pensée quand il dit : ὅσα ἀριθμῷ πολλά, ὕλην ἔχει (Métaph. Λ 8, 1074 a, 33 ; p. 268, 1). De sorte que, en un mot, sa doctrine de l’individualité revient à dire que ce qui fait l’individu c’est la matière. Se demander quel est le fond dernier de la substance individuelle, c’est seulement se poser en d’autres termes la même question : qu’est-ce que l’individu ? La réponse d’Aristote est aussi la même. La première et plus fondamentale propriété de la substance, c’est, étant numériquement une, d’être capable de recevoir comme attributs les contraires (Cat. 5, 4 a, 10 ; p. 103, n. 1). Comme ce qui reçoit ainsi les contraires sans perdre son unité c’est la puissance et la matière, la substance individuelle doit donc sa première et plus essentielle propriété à la matière. Par conséquent, voilà la réalité du sensible définie par la matière. Ce qui réalise les universaux, c’est qu’ils viennent résider dans une matière ou, pour mieux

  1. Cat. 5 déb. : οὐσία δέ ἐστιν ἡ κυριώτατά τε καὶ πρώτως καὶ μάλιστα λεγομένη…, οἷον ὁ τὶς ἄνθρωπος ἢ ὁ τὶς ἵππος.. Cf. supra, p. 103.
  2. Métaph. Β, 4, 999 b, 33 : τὸ γὰρ ἀριθμῷ ἓν ἢ τὸ καθ’ ἕκαστον λέγειν διαφέρει οὐθέν. οὕτω γὰρ λέγομεν τὸ καθ’ ἕκαστον τὸ ἀριθμῷ ἕν… Cf. Cat. 2 s. fin. : ἁπλῶς δὲ τὰ ἄτομα καὶ ἓν ἀριθμῷ κατ’ οὐδενὸς ὑποκειμένου λέγεται…
  3. Top. II, 2, 109 b, 14 : σκοπεῖν δὲ κατ’ εἴδη καὶ μὴ ἐν τοῖς ἀπείροις… Cf. Platon, Philèbe 16 d.