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INTRODUCTION

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INTRODUCTION

selon qu’on le considère en lui-même, comme exposant à un risque, ou par rapport au risque couru par celui qui s’y trouve. On peut dire qu’un malade est en danger ou en péril, selon qu’on envisage le mal qui peut faire succomber le malade, ou la possibilité pour le malade d’y succomber. Mais la maladie elle-même, la cause du risque, est dangereuse et n’est pas périlleuse.

En même temps qu’on observe l’emploi du mot dans la langue écrite et parlée, il faut étudier l’étymologie, le sens primitif par lequel le mot est entré dans la langue. C’est ainsi que, dans l’exemple cité plus haut, la différence établie par l’usage entre mors et frein se retrouve dans l’étymologie ; le premier (de morsiim) rappelant surtout l’idée de mordre, le second (de freniim) l’idée d’arrêter. Il en est de même des mots danger et péril. Danger, en vieux français dangier, dongier, est le latin populaire dominiarium. Etre en dangier de quelqu’un, c’était être en son pouvoir. On voit que l’expression être en danger de mort a signifié primitivement être au pouvoir de la mort. Péril, au contraire , du latin periculum, qui se rattache à la même racine qn experi ?i, a voulu dire dans le principe une épreuve que l’on subit.

Jusque dans les extensions les plus éloignées, il est rare que l’usage, guidé par une logique secrète, ne reste pas fidèle à la signification première, qui l’explique et le confirme.

Une définition précise de chaque terme, fondée sur l’origine et sur l’histoire du mot, ferait évanouir les prétendus mots synonymes, et rendrait inutiles certains traités spéciaux, composés suivant une méthode trop empirique pour corriger les inexactitudes et combler les lacunes des dictionnaires. Du rapprochement de définitions exactes doit sortir sans effort la distinction des termes synonymes. Dans la définition des termes d’arts et de métiers, il y a eu beaucoup à rectifier et à préciser. La technologie du Dictionnaire de Bescherelle, plus complète que celle des ouvrages antérieurs, avait été empruntée par ceux qui sont venus après lui, sans vérification suffisante. On avait reproduit jusqu’aux fautes typographiques, comme pour le mot aissaugue, filet de pêche formé de deux ailes latérales et d’une manche (poche destinée à recevoir le poisson), devenu, par une erreur sur le genre, un filet formé de deux ailes et à’un manche.

Ailleurs on était tombé dans de graves méprises : la boutée (de bouillir)^ qui est le résidu des chaudrons oii l’on a fait fondre le suif, et aussi la raclure des caques (grands tonneaux où on met le suif fondu), était devenue la raclure des caques de harengs. h’eîitrepied, partie d’une meule de foin, espace entre le pied de la meule et la saillie destinée à rejeter la pluie loin de la base, avait été donné comme faisant partie d’une meule de moulin.

Le mot bille désigne un bâton dont les corroyeurs se servent pour tordre les peaux, et les emballeurs pour serrer les balles. Selon toute apparence, peaussiers avait été substitué à corroijeurs. Une faute de copie avait fait tomber ces mots : et les emballeurs ; et il était resté cette définition inintelligible : « Bâton dont se servent les peaussiers pour tordre les peaux et serrer les balles. » Un correcteur, justement embarrassé, aura cru bien faire en changeant les peaiissiet^s en paumiers (fabricants de balles), et il en est résulté cette définition plus étrange encore : « Bâton dont se servent les paumiers pour tordre les peaux et serrer les balles. »

Trop souvent la définition, incomplète ou vague, n’apprenait rien au lecteur ; aux mots trace-sautereau, trace-bouche, il trouvait pour toute explication : <( Outil de facteur de pianos ; » or le trace-sautereau est l’outil dont se servaient les facteurs de clavecins pour marquer sur le sautereau la place du bec de plume qui pinçait la corde, et le trace-bouche l’outil dont se servent les facteurs d’orgues pour déterminer la