Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/132

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H2 LITTIIRATIJRE ITALIENNB traits ce vieillard errant et pauvre, réduit a mendier son pain (Parad., VI, 139), ce n’est plus Ptomieu, c`est Dante lui-méme qui tout a coup se dresse devant nos yeux. Ren- contre-t-il sur une des saillies rocheuses du Purgatoire, le troubadour Sordel, dont la vie n’eut rien de fort édifiant, il lui suffit de penser que Sordel est de Man- toue, comme Virgile, et d’imaginer qu’au seul nom dc leur commune patrie, ils tombent dans les bras l’un de l°autre, pour opposer E1 ce geste touchant le spectacle des haines qui déchiraient alors la péninsule : il interrompt son récit, et lance, en soixante-quinze vers, la plus terrible invective que renferme son poéme contre la poli- tique impie de l’Italie, des papes et de Florence (Purg., VI, v. 76 et suiv.). Peut-étre va-t-on penser qu’une telle passion et une disposition aussi habituelle a tout rapporter a ses senti- ments personnels ont du faire de Dante un juge fort par- tial dans l’appréciation des mérites et des fautes d’au- trui? Aussi a·t-on quelquefois prétendu qu’il avait sauvé ses amis, tandis que ·sou Enfer est peuplé de ses ennemis. Bien que ce reproche n’intéresse pas directe- tement la valeur poétique de la Divine Comédie, il in1porte de le réfuter, car, exprimé sous cette forme, il constitue une grave injustice. _ Dante n’a pas écrit un pamphlet, une aauvre de parti, encore moins une muvre de vengeance; le but haute- ment religieux et profondément humain du poéme ne peut échapper qu’a des observateurs supcrficiels; Dante avait une trop haute idée de la justice divine pour s’en faire ainsi un jeu. D’ailleu1·s il suffit de quelques exem- ples, comme celui de Brunetto Latini, auquel le poete témoigne une affection toute filiale dans une région peu glorieuse du ¢ bas enfer », pour prouver qu°il était