Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/133

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capable d’impartialité. Il faut avouer pourtant que ses Jugements sur plusieurs personnages sont faits pour nous surprendre; mais qu’est-ce a dire, sinon que ceux—ci l·¤i apparaissaient sous un jour diH`érent de celui ou nous les voyons? Dante n’a connu ni les chroniques, ni les documents d’archives, qui depuis ont été mis au jour; , en revanche, il avait recueilli, sur les hommes appartenant aux générations qui l’avaient précédé, des traditions orales ou se reflétait le jugement populaire sur leur compte, et qui sont perdues pour nous. On peut étre assuré que, sans faire une enquéte approfondie pour chaque cas particulier — car il n’entendait pas se substi- tuer a la justice divine, — Dante a toujours eu ou cru avoir des raisons sérieuses pour mettre les uns en Enfer, les autres au Purgatoire ou au Paradis. Des lors il peut sans remords s’abandonner a sa colére contre un Filippo Argenti, un Vanni Fucci ou un Bocca degli Abati, contre les simoniaques et les dilapidateurs des deniers publics, car c’est une sainte colére qui l’anime 1 le mal, sous quelque forme qu’il se montre, mérite la haine et non la pitié.

La pitié cependant n’est pas tout a fait absente de I’Enfer: on sait avec quelle émotion profonde Dante écoute les confidences de Francoise de Rimini, et quand on lit le récit de la mort d’Ugolin et de ses fils, on en vient a oublier que le poéte a placé Ugolin parmi les traitres, au méme titre que son bourreau l’archevéque Ruggieri. Avec son souci d’une épre justice, Dante ne ferme donc pas son coeur a la compassion; son jugement une fois prononcé, il ne refuse ni sa sympathie a la douleur vruiment humaine, ni son admiration aux sentiments généreux, méme chez ses adversaires; et c'est ce qui donne tant de beauté et de noblesse a son oeuvre.