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Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/236

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I 216 LITTIQLRATURE rrAu1=:NN1z Ce qui donne un prix particnlier h l’histoire de Guichardin, il faut bien le dire, c’est l’importance de la période qui y est décrite; on ne saurait guére imaginer d’événements plus complexes et plus tragiques que ceux de ces quarantc années au cours desquelles s’accomplit l’asservissement définitil de l’Italie. Guichardin fait admirablement saisir l’entre-croisement des intrigues, le jeu des passions et leurs contre-coups multiples; mais on lui cn veut un peu de conserver, en face de cette déplo- rable crise, une lucidité aussi parfaitc, que n’obscurcit aucune émotion. Il est difficile de ne pas partager a ce sujet l’avis de Montaigne : cc Dc tant d’ames et d’eil`ects qu°il juge, de tant de mouvemcns ct conseils, il n’en rapporte jamais un seul a la vertu, religion ou cons- cience, comme si ces parties la estoient du tout esteinctes au monde... Peut estre advenu qu’il ait estimé aultruy d’aprés soy. » Avec Guichardin on en revicnt donc toujours 51 la question morale : toute sa science et tout son esprit ne peuvent nous décider 51 prendre notre parti de son caractérc; Machiavel, qui parfois nous révolte davantage, ne produit pas cette impression de malaise. Cependant Guichardin n’est pas méprisable; on ne lui reproche aucune action malhonnéte: il a servi avec zéle et fidélité les causes qu’il avait embrassées, méme s’il les jugeait médiocres, ou pis. Mais cette absence d’idéal, de désin- téressement, de générosité, nous irrite chez un si grand esprit, en qui l’on ne découvre d°ailleurs aucune bas- sesse d’ame. Pour expliquer ce phénoméne, il faut songer a la démoralisation qui sc manifestait alors sous toutes les {`ormes cn Italie, symptome — et non cause- de la décadence ou sombrait rapidement la civilisation de la Renaissance.