cncouo LEOPARDI 453 Leopardi quitta Florence sans avertir aucun de ses amis surpris et inquiets, et mena E1 Rome, jusqu’au mois de mars suivant, une existence assez miserable. C’est l’époque on la passion trouve, dans ses vers, ses accents les plus tragiques : il Pensiero dominantc (1831), Amore e Morto (1832), et probablement aussi le poéme inti- tulé Consalvo, la plus romantique de ses muvres, par les noms mémes des héros qu’il y met en scene —- Con- salvo, Elvira, —— et plus encore par le sentiment qui l’anime. Consalvo a vingt-cinq ans; il va mourir; dans son agonie, la présence d’une. femme a seule pu atté— nuer ses soufYrances. Jamajs il ne lui a déclaré son amour; mais, au moment oh la vie lui échappe, il la con- jure de lui accorder un baiser, le premier et le dernier. Elvira, émue de pitié, n’0se refuser cette grace au mori- bond, et Consalvo éclate en un chant d’allégresse : a Je puis mourir satisfait de mon destin; je ne maudirai plus le jour oh je suis né... Le monde a deux belles choses : l’amour et la mort; le ciel me conduit vers celle-ci a la fleur de Page; l’autre ne m’a pas refusé le bonheur .... » Ce réve passionné se dissipa vite. Nous ignorons dans quelles circonstances survint la déception, mais elle ue tarda guére. La piece intitulée A aé atesao (1833) en dit. long, en seize vers, sur l’abime de désespoir ou sombra le poete : << Maintenant tu vas te reposer pour toujours, pnuvre cmur fatigue". Tu as assez palpité : rien ici-bas ne mérite un seul de tes battements, et la terre n’est pas digne de tes soupirs. Amertume et ennui, voila la vie; rien de plus; le monde n’est que fange. Apaise-toi maintenant. Désespére pour la derniére fois. Notre race n’a requ du destin qu’un seul don : la mort. Maintenant, unis dans ton mépris toi·méme, la nature, et l’horrible puissance qui prépare dans l’ombre l’universelle douleur,
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