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Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/611

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LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE DE 1915 A 1930 591

intime avec un large public, suffisamment cultivé, dont le dramaturge doit façonner le goût, mais dont il peut recevoir aussi certaines directions. Il est hors de doute que la crise du théâtre, dont on se plaint, non sans raison, un peu partout, est en grande partie une crise du public : celui-ci voit son attention dispersée en trop de directions ; il ne sait plus bien lui-même ce qu’il veut. Cette crise du public a ceci de grave, en Italie, qu’à aucune époque, faute de centralisation, on n’y a vu se constituer un théâtre national, comme ceux qu’ont produits tour à tour en Espagne, en Angleterre, en France, en Allemagne des écrivains interprètes d’une âme collective. Depuis que le royaume d’Italie est une réalité historique, on a souvent fait la remarque que le public de Rome, par exemple, a manifesté des gouts assez différents de ceux qui prévalaient in Turin, Milan, Venise, Bologne ou Naples. Par ailleurs, la tradition des troupes de comédiens itinérants, qui passent de ville en ville, conduits par un acteur ou une actrice en renom — trop souvent entourés de médiocrités — ne favorise pas la formation d’un public capable d’établir une certaine unité dans ses jugements. Durant ces trente dernières années, le public italien allait applaudir la Duse, la Gramatica, Ermete Novelli, Flavio Ando ou Ruggeri, bien plus que pour entendre une bonne pièce ou encourager de jeunes auteurs.

Un progrès sérieux été réalisé quant à la constitution du répertoire de ces troupes, naguère encore composé en majeure partie de pièces françaises, allemandes, anglaises ou scandinaves, souvent choisies d’ailleurs de la façon la plus discutable. Il est superflu d’insister sur le fait que le théâtre de Pirandello et de ses émules a largement contribué à cet assainissement du répertoire