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§ 12.

Indépendance de l’axiome de la continuité V.
(Géométrie non archimédienne.)


Pour démontrer l’indépendance de l’axiome V dit d’Archimède, il nous faut construire une Géométrie où seront vérifiés tous les axiomes à l’exception de cet axiome en question ([1]).

À cet effet, construisons le domaine de toutes les fonctions algébriques de t, qui proviennent de t au moyen des quatre opérations addition, soustraction, multiplication, division, et de la cinquième opération , où désigne une fonction quelconque, déjà obtenue au moyen de ces cinq opérations. L’ensemble des éléments de de même qu’il en était précédemment de — est un ensemble dénombrable. Les cinq opérations peuvent être toutes effectuées d’une manière univoque et réelle. Le domaine ne renferme donc que des fonctions de t univoques et réelles.

Soit c une fonction quelconque du domaine  ; la fonction c étant une fonction algébrique de t ne peut jamais s’annuler que pour un nombre fini de valeurs de t, et, par suite, la fonction c sera, pour des valeurs positives suffisamment grandes de t ou bien toujours positive, ou bien toujours négative.

Nous regarderons maintenant les fonctions du domaine comme une certaine espèce de nombres complexes ; dans le système numérique complexe ainsi défini, il est clair que les règles usuelles de calcul sont toutes vérifiées. Enfin a, b désignant deux nombres différents quelconques de ce système, nous dirons que le nombre a est plus grand ou plus petit que b — ce qui s’écrira a > b ou a < b — suivant que la différence c = a - b, regardée comme fonction de t, prend pour des valeurs suffisamment grandes de t une valeur, ou bien toujours positive ou bien toujours négative. En adoptant cette convention, il est possible de ranger par ordre de grandeur les nombres de

  1. Dans son Livre d’une portée si profonde (Grundzäge der Geometrie, traduction A. Schepp, Leipzig ; 1894), M. G. Veronese a aussi fait des recherches relatives à l’édification d’une Géométrie indépendante de l’axiome d’Archimède.
    D. Hilbert