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LXI L’homme étreint dans ses bras


L’homme étreint dans ses bras, l’obstacle, comme Hercule.
La peste disparaît et la brute recule ;
Le serpent fuit ; le loup s’en va ; l’arbre épineux,
Rentre sa griffe ét tord moins méchamment ses noeuds.
La vie a cessé d’être une sombre aventure.
L’homme, autrefois mordu par la, fauve nature,
Met une muselière à la création.
La mer cède, la terre obéit ; l’alcyon
Chante un hymne d’espoir à sa sueur la colombe.
L’étang n’exhale plus le soufflé de la tombe.
La forêt, qui frissonne à la bouche de. Pan,
S’emplit de fleurs ; le lac rit dans les monts ; le paon
Traîne la gerbe d’yeux qui frémit sur sa queue.
Eden vague et lointain montre sa porte bleue.
Adam n’est plus sinistre et glacé de sueur.
Dans l’ombre par degrés se lève une lueur ;
La pensée, aube pure, à travers la matière
Luit et s’épanouit dans la nature entière ;
Et dans l’âpre univers, jadis horrible et noir,
Qui se mouvait, pareil aux visions, du soir,
Et que semblait emplir une hydre aux yeux de flamme,
L’homme sent chaque jour moins de monstre et plus d’âme.

IO février 1854.