Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

312 PROLÉGOMÈNES

lirait à remettre l'autorité entre les mains d'un autre; un Arabe, exer- çant un commandement ne le céderait ni à son père, ni à son frère, ni au chef de sa famille. S'il y consentait, ce serait à contre-cœur et par égard pour les convenances; aussi trouve-t-on chez les Arabes beaucoup de chefs et de gens revêtus d'une certaine autorité. Tous ces personnages s'occupent, les uns après les autres, à pressurer la race conquise et à la tyranniser. Cela suffit pour ruiner la civilisation. Le khalife Abd-el-Mélek (IbnMerouan) demanda un jour à un Arabe du désert en quel état il avait laissé El-Haddjadj, pensant qu'il en- tendrait l'éloge de cet officier, dont l'excellente administration avait maintenu la prospérité de la province qu'il gouvernait. Le Bédouin lui répondit en ces termes : « Quand je le quittai, il faisait du tort à lui seul'. >i Voyez tous les pays que les Arabes ont conquis depuis les siècles les plus recidés : la civilisation en a disparu, ainsi que la population; le sol même paraît avoir changé de nature. Dans le Yémen, tous les centres de la population sont abandonnés, à l'ex- ception de quelques grandes villes; dans flrac arabe, il en est de même; toutes les belles cultvires dont les Perses l'avaient couvert ont cessé d'exister. De nos jours, la Syrie est ruinée; l'Ifrîkiya^ et le Maghreb^ souffrent encore des dévastations commises par les Arabes. Au cinquième siècle de l'hégire, les Beni-Hilal et les Soleïm y firent irruption, et, pendant trois siècles et demi, ils ont continué à s'acharner sur ces pays*; aussi la dévastation et la solitude y ré- gnent encore. Avant cette invasion, toute la région qui s'étend de- puis le pays des Noirs jusqu'à la Méditerranée était bien habitée : les P. 273. traces d'une ancienne civilisation, les débris de monuments^ et d'édi- fices, les ruines de villes et de villages sont là pour l'attester. Dieu

' C'esl-à-diré, il ne profilait pas de sa ' Voyez, dans V Histoire des Berhers,l. I position pour s'enrichir aux dépens du de ia traduction française, le récit des dé- peuple, vastations commises par ces tribus.

^ Ce pays forme maintenant les ré- " Pour l^\ , lisez U»if.

gences de Tunis et de Tripoli, cl la pro- « Poury Ijif, lisez j^îowil. (Voyez ci-

vince de Constantine. devant, p. 8/, , notei.)

' L'Algérie.

�� �