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Lxx PROLÉGOMÈNES

leurs délations ne produisaient aucun effet, ils s'attachèrent à en- venimer la haine que me portail Ibn Arefa, mufti en chef et imam de la grande mosquée. Dans notre jeunesse, nous avions étudié en- semble sous les mêmes maîtres, et, bien qu'il fût plus âgé que moi, j'eus souvent l'occasion de montrer que j'étais meilleur écolier que lui. Depuis cette époque il ne cessa de me détester. Aussitôt que je fus arrivé à Tunis, les étudiants et même les propres élèves d'Ibn Arefa vinrent me prier de leur donner des leçons, et, comme je cé- dai à leur demande, ce docteur en fut profondément blessé. Il en- voya même des sommations formelles à la plupart d'entre eux pour les obliger à me quitter; mais ils n'y firent aucune attention, ce qui ajouta encore à la haine qu'il me portait.

Vers le même temps, les courtisans tâchèrent d'indisposer le sultan contre moi; ils travaillèrent, d'un commun accord, à me calomnier et à me nuire ; mais le prince ne fît aucune attention à leurs paroles. Comme il recherchait toujours de nouvelles connaissances dans les sciences et dans l'histoire, il m'avait chargé de travailler à l'achève- ment de mon ouvrage ; aussi , lorsque j'eus terminé l'histoire des Berbers et des Zenata, et mis par écrit tous les renseignements que je pus recueillir au sujet des deux dynasties' et des temps anté-isla- miques, j'en fis une copie pour sa bibliothèque.

Comme j'avais renoncé à la poésie pour m'occuper des études sé- rieuses, mes ennemis représentèrent au sultan que j'évitais de com- poser des vers en son honneur parce que je ne l'en croyais pas digne, et que cependant j'avais très-souvent célébré les louanges des autres souverains. Ayant eu vent de ce manège par l'obligeance d'un ami que j'avais parmi les courtisans, je profitai de l'occasion qui s'offrit, lorsque je présentai au sultan l'exemplaire de mon livre portant son nom, pour lui réciter un poënie dans lequel je célébrais ses belles qualités et ses victoires; puis je le priai d'accepter ce volume comme la meilleure excuse que je pouvais offrir pour avoir néghgé la poésie ^.

' Les Oméiades el les Abbacides. — * L'auteur donne ici de longs extraits de ce poème.

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