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340 PROLÉGOMÈNES

Au reste , les hommes ne voudront jamais s'entr'aider ' à moins d'y être contraints. Ils refusent de le faire, parce qu'ils ignorent ordinairement ce qui est avantageux pour l'espèce humaine, et parce que Dieu leur a accordé le libre arbitre, de sorte que leurs actions ne procèdent pas d'une impulsion naturelle, mais de la considération et de la réflexion. Ils s'abstiennent donc d'aider leurs voisins. Cela rend nécessaire l'in- tervention de quelqu'un qui les porte à le faire. Cette personne doit nécessairement employer la force contre ses semblables, s'il veut les contraindre à travailler pour le bien de la communauté et pour l'ac- complissement de la volonté de Dieu, dont la sagesse a ordonné la conservation de l'espèce humaine. L'idée que nous venons d'exprimer se retrouve dans la parole suivante, émanée de Dieu lui-même : Et nous les avons placés en rangs, les uns au-dessus des aulres, afin que les uns prennent les autres pour les servir; et la miséricorde de ton Sei- gneur vaut mieux que les biens qu'ils amassent^. [Coran, sour. \uu, vers. 3 1 .)

Il est donc évident que le terme djah ^ désigne la faculté que l'homme obtient de dominer sur ses subordonnés, de les faire agir conformément à ce qu'il autorise et à ce qu'il défend, et d'employer envers eux la contrainte et la force, afin de les détourner de ce qui leur serait nuisible et de les obliger à travailler pour leur propre avantage. Ce pouvoir doit s'exercer d'une manière équitable et con- formément aux prescriptions, soit de la loi divine, soit de la loi de l'E- tat; mais on s'en sert aussi quelquefois dans ses propres intérêts. 11 a été spécialement établi, par la providence divine, pour être employé de la manière indiquée en premier lieu; son autre emploi n'est qu'un accident qui s'y présente, de même que le mal s'introduit dans les lois étabUes par la volonté de Dieu. En effet, l'existence d'un grand bien ne peut avoir lieu sans qu'un peu de mal s'y trouve, ce qui tient à la matière (dont ce bien est la forme). Le bien n'est pas perdu pour cela : il existe réellement, malgré la petite quantité de mal qu'il

' Pour yjUj , lisez y^UJl. ayant mis deux fois j»Xi!àJu, à la place de

' L'auteur a cité ce verset inexactement (?^-à*J- — ^ Voy. ci-devant, p. 336, note 3.

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