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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/14

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avec lui l’ordre juridique qui les laisse impunies, ou même les protège, au nom du respect des contrats ?

Voilà la thèse que développe entre autres Tolstoï dans son dernier ouvrage, le Travail et l’Argent. S’appuyant sur certains faits de l’histoire de son pays, il refait l’histoire générale de l’humanité en quelques pages passionnées et d’autant plus sincères qu’il ignore l’ensemble des faits économiques et voit toutes les choses sous un angle. Comme Rousseau, il conclut en maudissant la civilisation et ses arts ; comme lui, il croit que les hommes retrouveraient l’âge d’or en vivant exclusivement du travail des champs et en renonçant à l’usage des métaux précieux, source de tant de maux. A l’en croire, le collectivisme doit reconquérir ce paradis perdu.

Portée sur ce terrain, l’attaque socialiste est de nature à troubler bien des esprits ; car il y a un fonds de vérité dans ces allégations, quelque exagérées qu’elles soient et quelques conséquences abusives qu’on en déduise. Des doutes historiques sur la légitimité de la propriété foncière, telle qu’elle existe actuellement en Irlande, en Écosse, en Angleterre, se sont répandus même en dehors des cercles révolutionnaires et sont pour beaucoup dans l’agitation agraire de ces pays. En Allemagne, c’est au nom de la réparation des injustices historiques que les socialistes d’État de toute nuance, depuis les professeurs hégéliens jusqu’aux socialistes chrétiens, demandent à l’État de réajuster à nouveau les rapports économiques. A leur tour, les Agrariens, les Féodaux, visés en réalité par les socialistes comme les spoliateurs d’autrefois, s’unissent à eux pour déclamer contre le capitalisme moderne, expression vague et élastique par laquelle on comprend aussi