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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/25

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car il faisait vivre un grand nombre d’hommes sur le même patrimoine et au même foyer, selon une échelle hiérarchique. Encore aujourd’hui, les apologistes des parcs à daims de l’Écosse soutiennent que le personnel de gardes, de piqueurs et de serviteurs qu’entraînent les grandes chasses, équivaut, comme nombre, aux familles de laboureurs que la culture de l’avoine ferait vivre misérablement dans les Highlands.

Le luxe moderne, au contraire, qui est tout en objets manufacturés, fait vivre, par ses achats, des artisans, des ouvriers, des entrepreneurs. Les conditions de vie matérielle et morale des classes laborieuses en ont été changées, leur lieu d’habitation aussi :tandis que jadis les populations se développaient peu à peu là où les subsistances étaient abondantes, aujour­d’hui, elles s’accumulent rapidement là où les occasions de travail se présentent, près des champs de houille, dans les ports de mer, dans les grandes cités industrielles et les capitales. Mais quant au nombre d’hommes que ce luxe bourgeois nourrit, il est plus grand que celui qui vivait du luxe féodal, d’autant plus que les domestiques, écuyers, clercs et familiers de toute sorte des châteaux du moyen âge, étaient, par la force des choses, voués généralement au célibat.

Cependant, dira un économiste rigoriste, si tous les bras et tous les capitaux s’employaient uniquement à produire des subsistances peu coûteuses, un plus grand nombre de convives pourrait s’asseoir au banquet de la vie, n’y servît-on que le brouet noir de Sparte. Si cet argument était juste, on devrait le pousser jusqu’au bout, substituer à la production de la viande la culture des céréales, et parmi celles-ci préférer le seigle au froment, la pomme de terre et le maïs au blé, ce qui, de réforme en réforme, nous ramènerait au régime des races inférieures. Heureusement l’objection ne contient qu’une petite parcelle de vérité. La majeure partie de ce superflu, qui nous est devenu si nécessaire, tabac, sucre, alcool, soie, est obtenu du sol, sans nuire à la production des aliments essentiels. C’est le résultat d’une meilleure utilisation des forces de la nature, due elle-même à un plus grand emploi [fin page 4-5]