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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/28

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commun. Enfin la charité est un devoir si rigoureux et la piété est tellement excitée à se porter vers les œuvres de bienfaisance que la subsistance de tous ceux qui ne peuvent se soutenir par leur travail est assurée dans une société inspirée par l’esprit du catholicisme. Il n’y a pas un siècle que les Philosophes et les hommes d’État reprochaient aux grandes fondations charitables de rendre trop douce la condition des prolétaires et de ne pas leur donner assez d’intérêt à travailler. On voudrait bien les retrouver aujourd’hui pour parer aux nécessités du résidu social qui se forme dans nos sociétés industrielles[1].

L’augmentation des consommations dans les classes populaires se produit trop souvent sous la forme grossière de l’intempérance, de l’alcoolisme, et elle est le grand obstacle à la formation de la première épargne qui assurerait la constitution du foyer. Mais dans les classes élevées, sous l’influence des courants démocratiques, le luxe n’est pas actuellement un obstacle réel à la constitution suffisante de nouveaux capitaux ; car pour une famille ancienne qui se ruine, dix familles nouvelles s’élèvent par l’épargne et prennent sa place. A ce degré de l’échelle sociale, le grand danger du luxe est bien moins celui d’une nuisance économique que d’une déviation morale. Il développe en effet l’orgueil, alourdit l’âme et étouffe chez ceux qui s’y livrent l’esprit de charité. Voilà pourquoi, dans les grandes villes modernes, les pauvres sont parfois si incomplètement secourus.

III. — Nous supposons dans ce qui vient d’être dit que la richesse des classes aisées et supérieures a été acquise conformément à la justice, c’est-à-dire en respectant le droit des autres hommes à acquérir eux-mêmes des biens semblables, ce qui est l’essence de la liberté civile, et en s’abstenant de porter la main sur les biens qu’ils ont effectivement acquis.

  1. Montesquieu, De l’esprit des lois, livre XXIV, chapitre 29. On se rendra compte du revirement qui s’est opéré sous ce rapport dans la science en lisant le beau livre de M. Hubert Valleroux : la Charité avant et depuis 1789 dans les campagnes de France (Paris, 1890, Guillaumin), et l’article Fondations, du même auteur, dans le Nouveau dictionnaire d’économie politique.