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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/303

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effectivement. C’est ce qu’on appelle étrangler le découvert. En sens inverse, le spéculateur à la baisse, qui peut jeter plus de marchandises sur le marché que ses rivaux n’en peuvent acheter, écrase le marché. Il y a là tout un ordre d’escroqueries, qui échappent à l’action répressive de la loi et qui donnent au monde des affaires moderne un fâcheux aspect ; car le sentiment de l’honneur n’est plus assez rigide pour que ceux qui ont dû leur fortune à de telles manœuvres soient, dans le cercle des relations sociales, frappés de la réprobation qui flétrissait jadis l’usurier.

Cette constatation est d’autant plus triste qu’il faut en même temps bien se convaincre qu’aucune loi ne peut réprimer ces abus, parce qu’aucune définition légale ne saurait distinguer la transaction légitime et sérieuse de l’opération fictive et frauduleuse ; la distinction repose en effet essentiellement sur une question d’intention non pas même chez les deux parties, mais souvent chez une seule. Les marchés à terme, qui sont un des instruments de l’agiotage, sont aussi, nous l’avons vu, un moyen indispensable pour l’approvisionnement commercial. D’ailleurs, les achats en disponible sont également dangereux entre les mains d’agioteurs puissants, comme le prouvera l’histoire du syndicat des cuivres (chap. viii, § 12).

Heureusement l’amplitude des marchés modernes, le nivellement qui tend continuellement à s’opérer entre eux, la facilité des communications font prompte justice des exagérations factices des cours. L’immense majorité des agioteurs, les grands comme les petits, finissent par être ruinés. On le voit dans les tentatives d’accaparement qui se produisent de temps à autre et dont nous allons parler. Ceux qui surnagent et s’enrichissent le doivent évidemment à une justesse de vues pratiques qui s’allie malheureusement souvent avec la malhonnêteté ; mais elle leur fait, dans les circonstances ordinaires, remplir les services économiques d’ordre général que l’on demande à la spéculation commerciale. [fin page282-283]