Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/32

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des serfs du moyen âge, tandis que les classes supérieures représenteraient les conquérants !

Depuis le dixième siècle, en France, en Angleterre et en Allemagne, le fond de la noblesse, à l’exception d’un très petit nombre de familles historiques, a été complètement renouvelé au moins trois fois. Par quels procédés cette transformation se réalisait, on peut en avoir une idée dans le travail si curieux du baron de Verneilh sur l’Avènement des nouvelles couches sociales sous l’ancien régime[1].

La bourgeoisie se renouvelle encore plus rapidement. La principale cause en est dans le mélange des sangs, qui s’opère incessamment, depuis que le christianisme a aboli les obstacles au mariage fondés sur les différences de naissance et établi au contraire des prohibitions pour cause de parenté. En remontant au 4e degré, chaque individu vivant aujourd’hui a 16 ascendants ; au 5e, 32 ; au 6e, 64 ; au 10e, 1.024 ; au 12e, 4.096, ce qui nous reporte au seizième siècle !En comptant seulement trois générations par siècle pour les femmes comme pour les hommes (et l’on reste ainsi au-dessous de la vérité), il est d’une certitude mathématique que chacun de nous compte plus de seize millions d’aïeux vivant au douzième siècle. Une telle puissance de fusion des races annule tous les efforts en sens contraire résultant de la recherche de la parité de condition dans les alliances. Platon pouvait déjà dire :

Quant à ceux qui vantent leur noblesse et disent qu’un homme est de bonne maison parce qu’il peut compter sept aïeux riches, leur ignorance les empêche de fixer le genre humain tout entier. Chacun de nous a des milliers d’aïeux et d’ancêtres, parmi lesquels il se trouve souvent une infinité de riches et de pauvres, de rois et d’esclaves, de grecs et de barbares[2].

Le savant écrivain auquel nous empruntons cette démonstration peut affirmer, sans contradiction possible, que tous

  1. Brochure in-8, Bordeaux, Ferret, 1879.
  2. Théétète 175 A, édit. Estienne, p. 134 de l’édition Didot.