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Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/58

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ancienne famille, avait une fortune de 2.600.000 dollars. Après cette première couche d’ultra-millionnaires, dix personnes possédaient juste un million de dollars chacune. Le reste des richards d’alors avait beaucoup moins : la moyenne de leur fortune n’était pas de 150.000 dollars. On faisait en ces temps primitifs commencer la richesse à 150.000 dollars dans Boston et à 50.000 dans le reste de l’État !

Ces chiffres paraissent insignifiants aujourd’hui. M. Thomas G. Shearman, de New-York, calculait récemment qu’il y a dans tous les États-Unis 70 personnes possédant ensemble au delà de 2.700.000.000 de dollars, avec une fortune moyenne de 37.500.000 dollars chacune. Dans la seule ville de Pittsburg, on citait, à la fin de 1890, 77 personnes ayant à elles seules autant que les 1.920 richards du Massachussetts en 1852. 13 possédaient chacune plus de 3 millions de dollars et ensemble plus de 127 millions.

Une différence très importante est que les grosses fortunes d’il y a quarante ans étaient presque toutes gagnées dans le commerce ou dans les professions libérales. Un nombre notable d’agriculteurs figurait aussi sur la liste de 1852. Les grosses fortunes d’aujourd’hui ont leur première origine dans les spéculations de toute sorte auxquelles donna lieu la guerre de la Sécession (chap. x. § 5). Elles se sont ensuite, sur cette première base, accrues et développées dans les chemins de fer et les grandes combinaisons manufacturières[1]. C’est là le résultat de la politique économique suivie depuis 1864 (§ 5) et des monopoles de toute sorte auxquels elle a permis de se constituer (chap. viii, § 7).

Ce qui est de nature à atténuer l’effet que peuvent produire à première vue les chiffres des grandes fortunes aux États-Unis, c’est que nulle part elles ne se démembrent plus vite et n’ont moins le caractère héréditaire qui en fait un objet de jalousie pour la démocratie. Dès 1852, sur les 1.920

  1. Nous empruntons ces chiffres à un article de M. Joseph Chailley, dans l’Economiste français du 16 mai 1891.